The Kick It Over Manifesto

Après le Manifeste des économistes atterrés en France, des étudiants de Berkeley lancent le Kick it over Manifesto. Le ton est quelque peu enflammé !

The Kick it over Manifesto
http://www.adbusters.org/campaigns/kickitover
http://rwer.wordpress.com/2010/10/24/the-kick-it-over-manifesto-and-31-supporting-links/

Le monde de la science éco devient de plus en plus funky ces temps-ci.

Ils n'ont pas tort sur le fond, mais ils vont peut-être un peu loin malgré tout... Enfin bon, ce sont eux les profs de demain, à eux de faire autrement! (bon, quand je dis eux, c'est nous aussi )

Enfin bon, ce sont eux les profs de demain

Je te mets à l'aise: vu ce qu'ils disent, il n'y a aucune chance.

You claim to work in a pure science of formula and law [...]
You hide in your offices, protected by your mathematical jargon, while in the real world, forests vanish, species perish and human lives are callously destroyed.

Tout ça peut être modélisé en économie. Je vous renvoie à vos cours d'économie de la santé ou d'économie des ressources naturelles.

new economics – open, holistic, human‑scale

De la microéconomie quoi...

Spoiler:

Sûr qu'il y a peu de chance qu'ils trouvent des postes, quand tu vois comment se passent les recrutements (va chopper la qualif de maître de conf' avec une thèse hétérodoxe... )

Jusqu'à présent, le fait est que la modélisation des désastres qu'ils évoquent n'a pas servit à grand-chose... À part mettre au point des modèles à l'allure très sérieuse. J'ai un tout petit peu l'impression que c'est ce qu'ils reprochent avec leur "mathematical jargon".

Je ne trouve pas qu'ils aillent trop loin, quand tu rapportes leurs propos à ce qu'ont coûté les politiques inspirés directement par les théories néoclassiques (et je ne fais pas allusion qu'à la crise actuelle, l'éco du développement est en bonne place), perso je les trouve assez mesurés, et plutôt sympas de ne pas prôner la lutte armée dans les départements d'éco. À la limite, je dirais presque que ce sont de gentils petits réformistes bon teint .

J'aime bien le dernier gif cependant, je tenterai de l'afficher à la face du prochain prof d'éco qui m'explique que dans ce modèle, où l'on fait l'hypothèse que l'agent est parfaitement rationnel et dispose d'une information parfaite (...).

Fred a écrit:

Enfin bon, ce sont eux les profs de demain

Je te mets à l'aise: vu ce qu'ils disent, il n'y a aucune chance. :sweat:

Faut pas désespérer, tout le monde change... Il n'y a qu'à regarder ce que sont devenus bon nombre de soixante-huitards!

Louison a écrit:Je ne trouve pas qu'ils aillent trop loin, quand tu rapportes leurs propos à ce qu'ont coûté les politiques inspirés directement par les théories néoclassiques (et je ne fais pas allusion qu'à la crise actuelle, l'éco du développement est en bonne place)

Bref, ils s'attaquent aux scientifiques alors qu'ils en veulent aux politiques et aux idéologues.

J'ai toujours beaucoup de mal à comprendre comment l'on peut introduire une séparation entre scientifiques et politiques en matière d'économie. Les scientifiques produisent une science directement à la base de l'élaboration des politiques économiques, sont largement consultés et souvent impliqués personnellement dans les organes décisionnels (États, FMI, BM, OMC etc...). En outre, ce sont eux qui forment les futurs décideurs en la matière. Les étudiants qui ont rédigé ce manifeste s'attaquent donc à la base du problème, ce qui est somme toute assez logique.

Quant aux idéologues... L'économie est par essence politique (il s'agit de se soucier de la vie de la cité... Les Classiques n'avaient pas nommé pour rien leur discipline "Économie politique", et cette discipline est toujours la nôtre) et idéologique. Chaque économiste est un idéologue, toute production en science économique est issue et influencée par une tradition idéologique même l'économie la plus "technicienne" qui se pare des atours les plus économétriques ou mathématiques possibles. À la base des modèles et de la pensée économique figurent toujours des hypothèses largement influencées par les penchants idéologiques de leurs auteurs. Il n'est pas besoin d'être militant pour faire de l'idéologie, et ceux qui se défendent d'en faire, voire qui prétendent être "au dessus des idéologies" (lol mdr) sont bien souvent ceux qui font le plus d'idéologie. L'économie est toute entière idéologique, qu'elle soit orthodoxe ou hétérodoxe, ce n'est jamais une science objective (c'est une science sociale, rappelons-le) aux lois universelles et toujours vérifiées, aussi économétrique ou matheuse soit-elle. Bref, entre orthodoxes et hétérodoxes il s'agit bien d'une bataille idéologique, et il n'y a rien de mal à cela, tout provient des idées !
À voir de quel côté se situent les analyses et les paradigmes les plus pertinents, et force est de constater que la puissance explicative de l'économie néoclassique mérite largement d'être questionnée aujourd'hui. Le problème étant que pour cela, il faudrait accepter le pluralisme de pensée en économie, ce qui n'est pas le cas.

Tiens, j'ai trouvé une planche qui résume ce débat:

Spoiler:

Franchement je pense que sur le fond la critique est assez juste et sur ce point je suis assez d'accord avec Louison. L'économie reste en grande partie idéologique comme la plupart des sciences (même celles qui sont dites dures à l'image de la physique par exemple). Les scientifiques ont des convictions qu'ils confrontent à leurs modèles et aux faits. Or, si les mathématiques ont pris sans doute une place centrale, elles restent un moyen commode pour modéliser les intuitions et les tester empiriquement. Je ne pense pas que rejeter cette optique soit clairement utile. En outre les néoclassiques ont su ingérer une partie des critiques qui leur sont faites pour les introduire dans leur modélisation (cf. nouvelle microéconomie).
Enfin juste pour éviter une petite confusion: les néoclassiques ne sont pas nécessairement libéraux et les hétérodoxes post-keynésiens. Par exemple, Hayek (et l'école autrichienne) ne peut guère être considéré comme un néoclassique mathématicien alors que son libéralisme est dirons nous assez prononcé. Le néoclassicisme n'est donc pas un rempart à l'idéologie mais juste une manière d'aborder les problèmes économiques: cette méthode me semble utile jusqu'à une certaine limite et doit être complétée par d'autres approches plus hétérodoxes (qui ont recourt à d'autres sciences sociales, hélas peu enseignées dans les Universités).